vendredi 18 septembre 2009

Premier jour en Russie

J'ai comme qui dirait manque d'assiduite dans l'ecriture. C'est generalement bon signe. Dans ces cas la, toute ma concentration est tournee vers la photographie, qui me reussit plutot bientot ces jours-ci.
Aux dernieres nouvelles, j'arrivais a Odessa. Depuis, j'ai fait mon chemin jusqu'en Russie. Je me trouve en ce moment a Novorossisk, premier port du sud de la Russie. C'est la ou transite le petrole, venu tout droit de Siberie. Il est charge dans de gros bateaux qui font route vers Istanbul et... le monde entier.

Je rencontre Alexander sur la promenade de Novorossisk, cette langue de bitume qui se deroule le long de la mer; endroit prefere des locaux qui viennent profiter en famille des derniers rayons de soleil. Sur la rive adverse, ce ne sont que champs de grues, de containers, d'entrepots, de raffineries qui baignent dans les lueures vesperales et dorees de septembre.
'Au bout du port, cet enorme complexe que tu vois, c'est de la que part le petrole. J'y ai travaille plusieurs annees'.
Alexander fait penser a ces heros de propagande russe: le front dur, le regard percant et le corps cultive par le sport. Mais derriere cette apparente impermeabilite, je decouvre une vraie patte qui parle sans qu'on ait besoin de le prier. 'Depuis une an, il n'y a plus de boulot en mer. On attend tous de nouveaux contrats. Je dirige une equipe de peintres en batiment specialisee dans les raffineries. Avant l'activite marchait bien, mais depuis la crise economique on galere. Il n'y a plus de chantier a peindre, les constructions sont gelees partout.'
Tout en parlant, il fait defile des photos de chantiers sur son telephone. 'Cette tour ici, c'est une pompe a petrole. Il y en pour 120 metres de peinture, pas mal non? Et la, c'est moi sur une plate-forme petroliere russe qui se trouve en Crimee, au large de Sebastopol'
Le soleil s'est retire derriere la couronne de montagnes qui encercle la ville, absorbant avec lui les dernieres couleurs et le peu de chaleur qui restait. Alexander insiste pour me payer a boire, il connait un endroit ou la biere est pas chere, me dit-il.

'Pourquoi tu voyages tout seul, je ne comprends pas?' Je lui reponds par un sourire. 'Et toi, pourquoi tu fais ce metier?' 'Pour l'argent bien sur!' 'Et c'est la seule raison? c'est plutot dure la vie de marin, toi aussi tu connais la solitude?' Alexander me regarde avec cet air doux et candide qu'il affiche malgre lui: 'La premiere raison pourquoi je fais ce metier, c'est pour voyager. Comme ca je decouvre d'autres horizons et je fais des rencontres. Je me sens libre et le monde est a ma portee: une journee a Bombay a sillonner la ville en taxi, une nuit a Tokyo dnas les bras d'une Australienne aux cheveux d'or, une biere a Vera Cruze a l'ombre d'un palmier a regarder les gens passer, simplement.'
Alexander s'est arrete et trempe ses levres dans son verre. Son visage s'est illumine a force de souvenirs. Je sens la fin de notre echange proche mais je tiens a repondre a sa question avant de le laisser. 'Et bien vois-tu, si je voyage, c'est pour n'etre jamais seul.'

Nous eclusons nos bieres tout en parlant musique et petits plaisirs de la vie. Dehors, la nuit a recouvert la ville d'un drap sombre et ecrasant. Je remercie Alexandre qui m'embrasse chaleureusement. Je ne traine pas. La separation est un moment penible pour moi et je me sens soulage une fois seul. Je remonte la rue au bout de laquelle j'ai trouve une piaule chez une famille peu bavarde. La route est tantot eclairee tantot plongee dans l'obscurite. Il arrive qu'une voiture me rase la hanche et eclaire mon chemin. J'entends les spaumes des arbres au dessus de moi. Dans une ruelle adjacente, un chat miaule devant sa porte mais je dois etre le seul a l'entendre.

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